Tendances

Je te dirai le mot bleu

On ne change pas une équipe qui gagne. Après un petit tour du côté du jaune le mois dernier, très tendance cet hiver, on continue de faire joujou avec le nuancier pour filer dans une autre zone du champ chromatique : le bleu, couleur préférée de Marc Zuckerberg, des rois de France et des skieurs débutants.

Hier

Ça paraît difficile à croire vu de nos yeux de contemporains, mais le bleu est un concept plutôt récent : il date du Moyen Age. Chez les Grecs, l’écart est tel entre le bleu pâle du ciel et le bleu profond de la mer qu’on ne les perçoit pas vraiment comme les teintes d’une même couleur. Le mot bleu n’existe tout simplement pas ! Preuve en est que lorsque Homère décrit la Méditerranée, il utilise soit une périphrase (« sombre comme le vin »), soit le mot grec qui désigne le violet. Bon, en même temps, la tradition veut qu’il ait été aveugle.

Autour du 11e siècle, le bleu sort de l’ombre en Occident grâce à… la Vierge Marie, à qui on l’associe souvent sur les tableaux, les statues ou les retables médiévaux. Symbole de bienveillance et de sérénité, il ne tarde pas à devenir la couleur du royaume de France (d’où le bleu roi) à partir de Philippe Auguste et on le retrouve sur une tripotée d’armoiries sous son nom héraldique, l’azur.

Longtemps difficile à produire, donc rare et cher, le bleu se généralise au 19e siècle, avec l’arrivée en masse de l’indigo et l’explosion de l’industrie textile, dans les Hauts-de-France en particulier. Le bleu est partout, de la veste de l’ouvrier (les cols bleus) aux jambes des cow-boys, quand Levi Strauss invente le blue-jean, en 1873.

Il garde depuis son ambiguïté : à la fois couleur des rois et des ouvriers, couleur de la tristesse (le blues !) et de la sérénité des grands espaces (le ciel, l’océan) …

 

Oui, et des contraventions, d’accord.

Aujourd’hui

Azur, cyan, bleu de Prusse, bleu marine, indigo, bleu ciel, bleu roi, bleu-vert… La variété et la richesse symbolique du bleu sont telles qu’il fait un tabac chez les graphistes comme chez les annonceurs, qui aiment sa richesse, sa faculté à créer de la profondeur ou du contraste. Tenez, les Schtroumpfs : s’ils sont bleus, c’est que la femme de Peyo, accessoirement sa coloriste, trouvait que le bleu les faisait ressortir dans le vert de leur environnement…

 

Pour les Schtroumpfs, ce n’était peut-être pas la peine d’en faire la version science-fiction, en revanche.

Frais, lumineux, élégant, chic, professionnel… Le bleu invite au voyage, comme le ciel ou la mer. Et il permet tous les usages : il n’y a qu’à voir le nombre ahurissant de logos, d’identités graphiques ou de symboles qui l’utilisent, du drapeau européen à Facebook en passant par Twitter, Ford, Picard, LinkedIn, ou Nivéa, bref, dans tous les domaines et tous les secteurs.

Aller plus loin

Michel Pastoureau , Bleu, histoire d’une couleur, Seuil, 2000

Auteur


Jean-Christophe Piot

Jean-Christophe Piot

Consultant - Rédacteur partenaire